Pandémie : le docteur Marquis répond à vos questions
2 décembre 2020
Pendant l’événement À Votre Santé!, le docteur François Marquis a répondu aux question de Patrice L’Écuyer sur la pandémie.
Invité de l’événement À Votre Santé!, le docteur François Marquis, chef du service des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, a répondu aux questions de Patrice L’Écuyer sur la pandémie. À lire.
Patrice L’Écuyer : Comment se passe cette deuxième vague?
Dr François Marquis : Elle est très différente de la première. La première vague avait mis sous tension tout l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. La deuxième s’apparente plus à un marathon, une course de longue haleine qui oblige toutes les équipes à garder un rythme élevé. C’est comme courir dans une pente, tant que l’on garde le rythme ça va.
P. L. : La répartition des cas de COVID entre les établissements est plus équitable aujourd’hui, non?
F. M. : Oui, l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont est l’hôpital qui a accueilli le plus de patients au début de la pandémie. Désormais, la répartition est mieux faite. Davantage d’établissements accueillent les patients COVID, mais cela nous oblige à virtuellement couper l’Hôpital en deux : zones COVID, zones non COVID.
P. L. : Ce n’est pas plus simple?
F. M. : Pas forcément, car quand tout l’établissement est COVID, c’est plus simple. Aujourd’hui, pour éviter la propagation du virus, on ne peut plus transférer le personnel ou les équipements d’une zone chaude à une zone froide. La gestion de l’absentéisme, les déplacements des patients, le partage des espaces, tout est plus compliqué.
Maintenir les activités quotidiennes, qui font la réputation de Maisonneuve-Rosemont tout en traitant les patients COVID, les patients du département de cancérologie, le programme des chirurgies, les soins intensifs, et l’urgence, une des plus occupées au Canada, est un réel défi de chaque instant.
P. L. : Et comment cela se passe-t-il aux soins intensifs?
F. M. : Présentement, tout est sous contrôle. On a de la place. On dispose de ressources. Il est important que la population comprenne que l’on est engagé dans un marathon et que l’on doit continuer de travailler ensemble, mais cela va bien. On a scindé les zones de soins : zones chaudes, zones froides.
On s’adapte. S’il devait y avoir davantage de cas, on déplacerait des cloisons, on réassignerait des respirateurs, on modifierait la ventilation, etc.
P. L. : Peut-on dire que les équipes sont mieux préparées que pour la première vague?
F. M. : Oui. Énormément de travail a été fait. Pendant la période que les gens ont appelé : « l’été », nous on a appelé ça : « Se préparer à la deuxième vague ». Toutes les inquiétudes liées au manque d’équipements, au manque de respirateurs, tous ces éléments-là, sont à peu près réglées.
Cependant le grand défi, c’est que nous ne nous sommes pas reposés. On affronte donc l’automne en état de fatigue. Et puis, nous sommes, comme tout le monde, tannés de la COVID. L’enjeu est donc plus la gestion du personnel, ou des équipements. Certains de ces équipements étaient en fin de vie et leur utilisation intensive a accéléré leur fin de vie.
P. L. : L’une des premières victimes fut d’ailleurs votre mannequin?
Mannequin du Centre d’aptitudes et de simulation en soins aigus transdisciplinaires (CASSAT)
F. M. : Absolument. Aux soins intensifs, je m’occupe du centre de simulation et on utilise ce mannequin (photo de gauche) extrêmement sophistiqué. Il est un peu l’équivalent pour les équipes soignantes des simulateurs de vol pour les pilotes de ligne.
Il faut comprendre qu’en médecine, il y a des gestes que l’on fait sur des patients pour lesquels on n’a pas droit à l’erreur. On doit être bon du premier coup. On s’entraîne donc sur ce mannequin que l’on contrôle par ordinateur et qui peut simuler différentes conditions.
Quand la COVID a touché l’Europe, on a compris que cela arriverait chez nous ensuite. On a commencé à former en accéléré beaucoup d’infirmières et à raccourcir le temps de formation. En temps normal, il faut savoir que cela prend environ 40 jours pour former une infirmière aux soins intensifs. On a réduit ce temps à 12-13 jours en mettant en place des triades, à savoir une équipe dans laquelle une infirmière expérimentée des soins intensifs encadre et forme en continu les infirmières venues d’autres services donner un coup de main. Mais, pour former ces infirmières, on a énormément utilisé ce mannequin qui a succombé.
P. L. : Il était déjà là avant la COVID?
F. M. : Absolument. On s’en sert pour former les jeunes médecins, préparer le personnel à des situations rares, que l’on ne verra qu’une fois ou deux dans notre carrière. Ce mannequin n’était pas neuf, mais on l’a tellement utilisé, qu’il a été la première victime de la COVID et qu’il nous en faut un nouveau.