Pandémie à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont : bilan provisoire
5 août 2020
Le docteur Marquis et des membres de son équipe au chevet d’un patient
L’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) est l’un des établissements qui a accueilli le plus de patients de la COVID-19 au Québec. Quel bilan tirer? Entretien avec le Dr François Marquis, chef de service des soins intensifs de l’HMR.
Quel bilan tirer de la gestion de la pandémie à l’HMR?
François Marquis : On peut être satisfait. On a surmonté la crise grâce, notamment, à une mobilisation exceptionnelle sur le terrain. Quand tout le monde tente de trouver des solutions, on peut tout faire!
Quels ont été les bons coups?
F. M. : Je suis fier de faire partie de la grande famille de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR). S’il est une chose que cette pandémie démontre on ne peut plus clairement, c’est l’importance et le pouvoir extraordinaire de la solidarité.
À l’HMR, tout le monde a mis l’épaule à la roue et fait preuve d’une solidarité immense. Des médecins sont venus nous aider aux soins intensifs. D’autres sont allés prêter main-forte en CHSLD. Les chercheurs de notre Centre de recherche se sont mobilisés, adaptant, en moins de deux semaines, leurs laboratoires pour effectuer les tests COVID. Beaucoup ont travaillé dans l’ombre, je pense, par exemple, au Service des approvisionnements, qui a accompli des miracles pour que nous ne manquions ni de masques ni de matériel de protection.
Et puis, l’HMR a aussi assuré ses services essentiels?
F. M. : Au prix de prouesses, car les patients suivant une thérapie cellulaire ou une chimiothérapie, par exemple, ne pouvaient attendre. Pour eux, c’est la thérapie de la dernière chance. On s’est mis à travailler plus vite, avec plus de patients, nécessitant davantage de soins, dans une unité de soins en crise. Le fait qu’il n’y ait pas eu d’éclosion en oncologie, et un seul cas d’infection nosocomiale aux soins intensifs, est une preuve de la discipline et du sens des responsabilités extraordinaires de nos équipes.
La pandémie a également souligné des lacunes à l’HMR?
F. M. : L’hôpital a été construit en 1954 et la vétusté de la majorité des pavillons, dont le principal, représente un problème de taille particulièrement face à des maladies infectieuses et contagieuses.
Pourtant, l’HMR demeure le navire amiral des établissements de santé de l’est de Montréal, mais pas seulement. Cet hôpital soigne aujourd’hui un Québécois sur dix, de partout au Québec et même au-delà.
Si les bâtiments récents ont permis d’améliorer nettement la situation, le pavillon principal, lui, continue de se dégrader. Ça ne date pas d’hier, on le sait. On fait avec, mais la pandémie a démontré ses limites.
Les aires ouvertes, les corridors étroits, l’absence de circulation de l’air, le manque de chambres individuelles et l’impossibilité de réaliser certains travaux d’aménagement rendent l’isolement des patients compliqué. Sans compter l’absence de climatisation, les problèmes d’humidité dans certaines chambres, et d’autres problèmes qui ont un impact non négligeable sur l’offre de soins ou la sécurité des patients et du personnel. La plupart des sections de l’hôpital se sont vues métamorphosées, par l’ajout de cloisons, de sas de protection et de systèmes d’aération indépendants pour faire face à la crise.
Heureusement, la grande famille de l’HMR a répondu présente?
F. M. : Absolument. On l’a vu avec nos infirmières, mais les médecins aussi. Ils sont venus de différents départements de l’hôpital nous aider dans la prise en charge des patients.
Cette solidarité s’est également manifestée dans la communauté. Des propriétaires de restaurants ou leurs clients ont offert des repas aux employés de l’HRM. Des entrepreneurs ont fourni l’expertise et l’équipement pour adapter les installations de l’Hôpital. Au niveau individuel, chacun d’entre nous a fait sa part pour aider l’HMR en prenant la décision de respecter les consignes de la Santé publique et en faisant des dons.
Comment avez-vous concilié pandémie et quotidien?
F. M. : Ce fut difficile. On a tendance à oublier que l’HMR ne gérait pas QUE la COVID et que ses urgences accueillent près de 80 000 personnes chaque année.
Certaines activités, les opérations non urgentes par exemple, ont été reportées et l’Hôpital a réussi des prouesses pour maintenir les chirurgies, les thérapies cellulaires, et les chimiothérapies essentielles.
Il faut savoir que maintenir une unité froide fonctionnelle est exigeant en termes de ressources humaines et matérielles. On ne peut dédoubler nos intensivistes, infirmières et inhalothérapeutes pour couvrir les zones froides ET chaudes. Il faut absolument répartir ces patients pour éviter la contagion; certains se consacrent donc aux cas de COVID-19 et d’autres aux patients « ordinaires ». Nous avons aussi fait preuve d’ingéniosité au niveau de la formation des infirmières par exemple. Un exemple qui souligne l’importance de la formation et des équipements dont elles ont besoin.
C’est pour cela que je dis souvent que l’ancien mannequin de simulation haute-fidélité a été la première victime de la COVID. En effet, nous l’avons tellement utilisé pour former du personnel qu’il s’est brisé. Heureusement, il fait partie des équipements indispensables et sera remplacé rapidement grâce au Fonds Tous solidaires de l’HMR.
Et le cancer n’était pas confiné lui…
F. M. : Non. Il n’a pas pris de pause lui. Un autre dossier a maintenu en alerte l’HMR. Celui de notre programme hématologique de CAR-T : une thérapie cellulaire d’avant-garde. On prélève des globules blancs du patient (les lymphocytes T), on les modifie génétiquement pour les rendre plus agressifs envers les cellules cancéreuses, on les multiplie, puis on les réinjecte au patient. Ces patients sont des cas complexes. Pour ces patients, c’est la thérapie de la dernière chance. Et pendant cette pause forcée, leur maladie n’a fait que progresser.
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˃ Lisez Chronique pandémique : le carnet de bord du Dr François Marquis, Québec Science
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