Hôpital Maisonneuve-Rosemont : penser l’après-COVID

Photo du Dr François Marquis, chef de service des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, qui échange avec ses collègues.

Le Dr François Marquis échange avec ses collègues.

Malgré quelques soubresauts, la pandémie semble prendre une pause. Comment se passe l’après-COVID? Suite de notre entretien avec le DFrançois Marquis, chef de service des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Est-on déjà dans l’après-COVID?

François Marquis : Oui et non. Aujourd’hui, nous commençons à surveiller et suivre les survivants des soins intensifs. Des témoignages émergent et mettent en lumière un phénomène bien connu des intensivistes, mais qui nécessite encore de la recherche : le syndrome post-soins intensifs.

De façon générale, et pas seulement pour la COVID, survivre aux soins intensifs est une bataille, mais la guerre est loin d’être terminée. Des membres de mon équipe veulent entamer une recherche et montent actuellement un dossier pour financer une étude sur le sujet.

Que constatez-vous chez ces patients?

F. M. : Certains voient leurs capacités diminuées et ont besoin de physiothérapie à long terme. Pour les patients « COVID-19 », un point d’interrogation demeure : des gens qui, avant leur séjour aux soins intensifs, étaient en parfaite en santé, semblent particulièrement affaiblis après leur longue intubation.

  • Seront-ils en mesure de reprendre le travail?
  • Après un aussi long séjour aux soins intensifs, souffriront-ils de traumatismes psychologiques?
  • Seront-ils affectés par des limitations physiques, des douleurs chroniques et de l’essoufflement à long terme, comme le sont les patients atteints d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë à la suite d’une infection comme l’influenza?
  • La COVID-19 nous laissera-t-elle en héritage une communauté qui devra apprendre à vivre avec des incapacités pendant plusieurs années ou le restant de ses jours?

On ne le sait pas encore…

Peut-on considérer que la première vague est passée?

F. M. : Je ne sais pas. Le 1er juillet est une journée symbolique, car nous donnons congé à notre dernier patient COVID. C’est un soulagement pour tout le monde.

On a descellé et ouvert les portes qui délimitaient les zones chaudes et froides. Ce geste, symbolique, était important. Il nous a fait du bien. Même si on est convaincu de l’imminence de la deuxième vague, on peut quand même se dire que l’on a passé la première. Ce n’est pas rien.

J’ignore si c’est un signe des choses à venir, mais exactement huit minutes après que notre dernier patient COVID ait quitté les soins intensifs, j’ai dû me rendre à l’urgence pour admettre un autre patient probablement infecté.

J’ai bien peur que cette maladie ne soit avec nous pendant encore un bon moment. Dr François Marquis, chef de service des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-

Faut-il se préparer à une deuxième vague?

F. M. : Tout indique qu’une deuxième vague se prépare. Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe ailleurs. J’espère seulement que cet entre-deux se prolongera suffisamment longtemps pour nous permettre de souffler et de nous préparer en conséquence (stocker du matériel, faire un post-mortem des derniers mois, peaufiner nos plans pour la deuxième vague).

Disons qu’un répit serait le bienvenu. Cela nous laisserait également le temps d’entraîner nos médecins résidents qui font aujourd’hui leur rentrée scolaire.

Depuis le 1er juillet, vous avez reçu des renforts?

F. M. : Oui et non. Le 1er juillet marque l’arrivée des nouveaux médecins, car l’année scolaire médicale commence le 1er juillet et finit le 30 juin.

Mais la nouvelle cohorte de médecins résidents se présente avec moins d’expérience clinique que les précédentes. La pandémie a freiné leur formation. Les résidents seront, sans doute, moins en mesure d’assumer leurs tâches alors qu’on leur demandera d’être particulièrement endurants et performants aux soins intensifs.

Peut-on déjà évaluer les conséquences de la pandémie?

F. M. : Pas complètement, mais l’urgence, par exemple, constate que les patients arrivent plus malades que d’habitude. Probablement parce qu’ils ont attendu longtemps avant de consulter, par crainte de contracter la COVID-19.

Ces patients ont ignoré des symptômes de plus en plus sévères jusqu’à ce qu’ils deviennent intolérables. On observe les mêmes problèmes qu’à l’habitude, mais à un stade plus avancé : des infarctus, des angines, des accidents vasculaires cérébraux. Des cas de complications chirurgicales émergent, de même que des infections. Bref, des troubles qui auraient dû être pris en charge bien plus tôt et qui, aujourd’hui, nécessitent des hospitalisations plus longues et plus complexes.

Sur le même sujet

˃ Lisez Pandémie à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont : bilan provisoire.

Pour aller plus loin

˃ Lisez Chronique pandémique : le carnet de bord du Dr François Marquis, Québec Science

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